La compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) en sa qualité de concessionnaire, dispose du droit de cesser la fourniture de l’énergie électrique pour des cas de fraude, aux termes de l’article 12.5.1 du règlement du service de l’électricité concédé par l’Etat de Côte d’Ivoire. Sur ce point, il faut préciser que seule la cessation de la fourniture est prévue et non la dépose (enlèvement) du compteur. Le tribunal de commerce a jugé que la CIE commettait une faute, en déposant un compteur, alors qu’aucun texte ne prescrit une telle mesure (jugement du 28 juin 2018, RG n°1575/2018).
En cas de fraude, l’article 12.5.1 met à charge de l’abonné les frais de constat, d’interruption et de rétablissement. A cette facture, s’ajoute une autre qui peut avoir plusieurs appellations dont celle de facture « d’anomalie sur alimentation », « de rappel de consommation » …Les abonnés se soumettent généralement au paiement des factures et cela même s’ils contestent la fraude alléguée, car l’électricité a une importance toute particulière pour les ménages.
Comment bénéficier d’une fourniture d’électricité, tout en contestant la facture établie pour suspicion fraude ? Deux réponses : la première est l’ANARE et la seconde est la saisine du tribunal.
1/ L’ANARE
L’article 44 du Code l’électricité dispose : « L’organe de régulation du secteur de l’électricité est chargé notamment : (…) de préserver les intérêts des usagers du service public d’électricité et de protéger leurs droits ; de régler les litiges dans le secteur de l’électricité notamment entre opérateurs et entre opérateurs et usagers (…) »
Cet organe est l’Autorité nationale de régulation du secteur de l’électricité (ANARE), qui peut :
- Ordonner la reprise de la fourniture de l’électricité par la CIE, même lorsqu’elle est interrompue pour suspicion de fraude.
- Suspendre les mesures de recouvrement forcé du montant de la facture.
Ces deux mesures sont prises, en attendant la décision du Conseil de régulation, qui se prononcera sur les allégations de fraude. L’autre fondement cité en appui, est l’article 5 du décret portant organisation et fonctionnement de l’ANARE.
A titre d’exemple, le 14 janvier 2020, la CIE a effectué un contrôle et suspendu la fourniture d’énergie d’un abonné. Le 20 janvier 2020, l’abonné a saisi l’ANARE pour contester l’existence de la fraude et la facture rétablissement qui lui a été imposée. Le 27 janvier 2020, l’ANARE a obtenu de la CIE, la reprise de la fourniture et la suspension de toutes mesures de recouvrement forcé du montant (Conseil de régulation de l’ANARE, décision n°2022/017 du 14 avril 2022).
L’affaire a été ensuite instruite par l’ANARE et une décision a été rendue le 14 avril 2022. Il a été décidé que la fraude alléguée, n’était pas établie et que la pénalité de 410 325 Fcfa infligée, n’était pas justifiée. Elle a été annulée.
2/ Le tribunal
La juridiction régulièrement saisie est le tribunal de commerce. Avant toute saisine du tribunal de commerce, le demandeur doit impérativement tenter de régler à l’amiable le litige. Cela doit se faire par un moyen laissant des traces. Le moyen privilégié, est le courrier adressé à la CIE. A défaut de réponse ou en cas de réponse négative, la saisine du tribunal est alors ouverte. Le non-respect de cette formalité est sanctionné, par l’irrecevabilité de la demande devant le tribunal (tribunal de commerce d’Abidjan, 12 décembre 2024, n°3778/2024). Cette formalité peut rallonger le délai, puisque l’adversaire doit disposer d’un temps pour répondre.
Le tribunal de commerce régulièrement saisi pour ce type de litige, peut ordonner le rétablissement de la fourniture de l’électricité, s’il estime que la demande est fondée. Le juge des référés est le juge à saisir en priorité de cette action, car elle présente un caractère urgent. Une procédure au fond, prendra plus de temps.
À titre d’exemple, le 03 novembre 2023, un abonné a saisi le juge des référés du tribunal de commerce. La décision ordonnant le rétablissement, a été rendue le 28 novembre 2023 (tribunal de commerce d’Abidjan, 28 novembre 2023, n°4167/2023).
Cet exemple vaut également pour la SODECI. Le 25 mai 2013, la SODECI a suspendu la fourniture d’eau, le 28 mai 2013 l’abonné a saisi le juge des référés du tribunal de commerce d’Abidjan. Le 28 mai 2013, le juge a ordonné le rétablissement de la fourniture sous astreinte comminatoire de 500 000 FCFA par jour de retard (tribunal de commerce d’Abidjan, 28 mai 2013, n°710/13)