Un travailleur malade ou victime d’un accident, qui ne peut plus occuper le poste qu’il occupait avant sa maladie ou son accident bénéficie d’une protection. Son employeur est tenu d’aménager son poste de travail et de le reclasser si cela est nécessaire. Ce n’est que lorsque ces mesures sont impossibles, que le licenciement peut être envisagé pour un motif légitime.
Dans un arrêt de 2024, récemment publié, la Cour de cassation rappelle que l’employeur est tenu d’apporter la preuve du reclassement du travailleur. En l’absence de preuve du reclassement ou au moins d’une tentative de reclassement, toute mesure prise visant à écarter le travailleur, est considérée comme abusive. Ainsi est qualifié d’abusif, le licenciement d’un travailleur qui alors qu’il devait bénéficier d’un reclassement, est mis à la retraite anticipée. La Cour se prononce comme suit : « suivant les recommandations médicales, madame OC devrait bénéficier d’un reclassement dans un poste plus adapté à son état de santé ; l’employeur qui prétend avoir procédé à ce reclassement n’en apporte pas la preuve et n’apporte pas les éléments justifiant sa mise à la retraite anticipée » (Cour de cassation, chambre sociale, 19 avril 2024, n°418/24, Recueil des arrêts de la Cour de cassation. 1. 2024). L’employeur a été condamné à payer au travailleur, la somme de 2 231 514 FCFA au titre des dommages et intérêts.
Le Code du travail ivoirien prévoit trois cas dans lesquels, le travailleur doit être reclassé : la maladie, l’accident du travail et la grossesse.
1. La maladie
Il existe trois catégories de maladie : la maladie du travailleur, la maladie professionnelle et la maladie à caractère professionnel. L’article 2 du décret 96-198 du 7 mars 1996 relatif aux conditions de suspension du contrat pour maladie du travailleur définit cette maladie comme étant : « l’inaptitude du travailleur à assumer les obligations nées de son contrat de travail, pour motif de santé ne résultant ni d’un accident du travail, ni d’une maladie professionnelle ». La maladie professionnelle est « une maladie contractée par le travailleur exposé de façon habituelle à l’action de certains agents nocifs dans l’exécution de son travail » (Accidents du travail et maladies professionnels, publié par la CNPS). L’article 5 du décret n°2013-554 du 05 août 2013 définit la maladie à caractère professionnel comme étant : « toute maladie ne figurant pas sur la Liste des Maladies Professionnelles Indemnisables prévue au présent décret et dont on suspecte un lien avec l’activité professionnelle ».
1.1 Le reclassement à la suite de la maladie du travailleur
La durée de l’absence en cas de maladie du travailleur est de six (6) mois ; douze (12) mois lorsqu’il s’agit d’une maladie de longue durée. Cette durée peut être prorogée jusqu’au remplacement du travailleur. Il faut noter que durant cette absence, le contrat de travail est suspendu et l’employeur est tenu de verser au travailleur, dans la limite normale de préavis, une indemnité égale au montant de sa rémunération pendant la durée de l’absence.
A l’expiration du délai, le licenciement du travailleur en contrat à durée indéterminée peut intervenir et être qualifié de légitime : « Constitue un motif légitime, l’absence prolongée du travailleur de plus d’une année, pour cause de maladie ; En l’espèce (…) DKL s’est absenté de son poste pour cause de maladie, du mois d’octobre 2014 au 30 décembre 2015; La durée de son absence excède, dès lors, la période de suspension du contrat de travail limitée par les dispositions de l’article 15.8 ancien du code du travail à six mois; Laquelle durée d’absence ainsi justifiée, pouvant être prorogée jusqu’au remplacement du travailleur; Ainsi, en ayant mis fin aux relations contractuelles la liant au demandeur pour un tel motif comme elle le fit, la société VA, dispose donc, en sa faveur d’un motif légitime. » (TPI, Abidjan-Plateau, 01 juin 2017, n°743 soc/17, CNDJ).
L’employeur doit tout de même veiller au respect de deux conditions posées, à savoir :
- Une incapacité du travailleur de reprendre son emploi initial.
- Une impossibilité d’aménagement raisonnable du poste de travail et de reclassement du travailleur : c’est le cas notamment du travailleur considérablement handicapé au plan physique et psychologique : « Attendu qu’en l’espèce, il n’est pas discuté que le licenciement de monsieur A.F par la PALMCI est intervenu en raison de ce que le rapport médical a conclu qu’il était considérablement handicapé au plan physique et psychologique ; Qu’ainsi, il était devenu évident qu’il ne pouvait pas raisonnablement faire l’objet d’un aménagement de son poste de travail et de son recasement ; Que dans ces conditions, son licenciement décidé par la PALMCI revêt un caractère légitime » (Tribunal de première instance de Gagnoa, 7 juin 2018, n°30/2018, CNDJ)
1.2 Le reclassement à la suite d’une maladie professionnelle ou d’une maladie à caractère professionnel.
Le décret du 05 août 2013 énumère les maladies professionnelles indemnisables, le travailleur qui contracte l’une de ses maladies peut prétendre à un reclassement. La Cour de cassation veille à ce que la maladie invoquée par le travailleur soit bien listée, ainsi en application du décret de 1957 alors en vigueur au moment de l’affaire, la Cour suprême a rejeté la demande d’un travailleur qui sollicitait des dommages intérêts pour son licenciement alors qu’il estimait devoir bénéficier d’un reclassement : « Attendu qu’en application des dispositions légales susvisées relatives aux maladies professionnelles, le travailleur ne souffrait pas d’une maladie professionnelle pouvant nécessiter un reclassement » (Cour suprême, 18 février 2010, n°098)
La solution aurait pu être différente s’il avait été envisagé une maladie à caractère professionnel. Comme indiqué un peu plus haut, Il s’agit de maladies non listées dont on suspecte un lien avec l’activité professionnelle. La reconnaissance de la pathologie dans cette catégorie, oblige l’employeur à reclasser le travailleur. Bien évidemment, si cela est impossible, le licenciement pourra intervenir pour motif légitime. Dans l’affaire donnant lieu à l’arrêt de la Cour suprême de 2010, le travailleur, gardien de nuit présentait une neuropathie périphérique avec trouble de la statique. Etait-il possible d’envisager un lien entre cette maladie et son activité professionnelle ?
2. L’accident du travail
Article 66 du Code de prévoyance sociale : « est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à tout travailleur soumis aux dispositions du Code du Travail. Sont également considérés comme accident du travail, l’accident survenu à un travailleur pendant le trajet de sa résidence au lieu du travail et vice versa, dans la mesure où le parcours n’a pas été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l’intérêt personnel ou indépendant de son emploi, et l’accident survenu pendant les voyages dont les frais sont mis à la charge de l’employeur en vertu de l’article 26.1 du Code du Travail ». La Cour suprême a jugé que l’accident de circulation intervenu alors qu’un travailleur allait prendre son repas durant la pause légale, est « un accident de travail» (Cour suprême, 21 décembre 2017, n°749, AHJUCAF).
Le travailleur accidenté, après consolidation de sa blessure doit en principe reprendre son service. Or il peut arriver, qu’il n’ait plus la capacité de le faire. Le Code du travail entrevoit une possibilité de reclassement lorsque deux conditions sont réunies :
- Incapacité de reprendre le service : le travailleur n’est plus à même de reprendre son service.
- Incapacité de l’assurer dans des conditions normales.
Il faut préciser qu’il semble s’agir d’une possibilité de reclassement du travailleur, et non d’une obligation au regard de la rédaction du texte : « au cas où après consolidation de la blessure, le travailleur accidenté du travail ne serait plus à même de reprendre son service et de l’assurer dans des conditions normales, l’employeur cherchera avec les délégués du personnel de son établissement la possibilité de reclasser l’intéressé dans un autre emploi » (article 16.9, alinéa 5 du Code du travail). La jurisprudence pourra éclairer sur ce point.
3. Le reclassement provisoire de la femme enceinte
Durant la grossesse, si l’état de santé médicalement constaté de la femme enceinte l’exige, elle peut être reclassée provisoirement. Soit à son initiative, soit à celle de son employeur. En cas de désaccord entre l’employeur et le travailleur, le reclassement provisoire est effectué après avis du médecin inspecteur du travail, communiqué aux parties. Ce reclassement provisoire prend fin dès que l’état de santé de la femme, lui permet de retrouver son emploi ou son poste initial. La rémunération du travailleur ne doit souffrir d’aucune diminution, même si le nouveau poste est inférieur à celui occupé habituellement (Articles 23.7 et 23.8 du Code du travail).
Si l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi, il fait connaître à la femme en état de grossesse et au médecin inspecteur du travail et des lois sociales, les motifs qui font obstacle à son reclassement provisoire (article 23.8 du Code du travail).