L’article 44 de la loi relative au divorce et à la séparation de corps dispose qu’en cas : « de divorce prononcé aux torts exclusifs de l’un des époux, le tribunal peut allouer, à la demande de l’époux qui a obtenu le divorce, des dommages et intérêts pour le préjudice matériel ou moral que lui cause la dissolution du mariage ». Cette disposition est appliquée par les juges ivoiriens, qui régulièrement, condamnent les époux fautifs à payer des dommages-intérêts.
L’article 44 pose deux (2) conditions pour obtenir réparation. La première est relative à l’obtention du divorce et la seconde à un préjudice matériel ou moral.
1- L’obtention du divorce
L’obtention du divorce renvoie au prononcé du divorce aux torts exclusifs de l’un des époux, ce qui signifie que c’est sa faute qui est à l’origine de la rupture du lien conjugal. L’équité commande dès lors à ce qu’il répare le dommage, qu’il a causé à l’autre époux.
L’article 14 de la loi relative au divorce et à la séparation de corps, prévoit quatre (4) causes justifiant le prononcé du divorce pour faute :
- L’adultère : « L’époux entretient des relations adultérines notoires avec une autre femme pour laquelle, il découchait constamment » (TPI de Korhogo, 4ème Chambre civile, 27 avril 2023, n°19, CNDJ)
- La condamnation de l’autre époux pour des faits portant atteinte à l’honneur et à la considération
- L’abandon de famille ou de domicile conjugal : L’abandon de famille suppose un acte libre et volontaire de son auteur (Cour de cassation, 29 juin 2023, n°646/23, CNDJ). C’est le cas notamment de l’époux, qui abandonne son domicile pendant deux années sans raison valable (TPI de Gagnoa, 5 janvier 2022, n°03/2022, CNDJ).
- Les mauvais traitements, excès, sévices ou injures graves : « Les injures graves susceptibles d’entraîner le divorce…s’analysent également en des actes contraires aux obligations et devoirs nés du mariage dont principalement la communauté de vie…Le fait pour l’épouse de voyager et d’effectuer un séjour prolongé à l’étranger sans le consentement de l’époux, d’attendre d’être à l’extérieur pour annoncer sa grossesse de leur quatrième enfant et d’expédier après son accouchement l’enfant à sa sœur à Abidjan est constitutif d’injure grave rendant intolérable le maintien du lien conjugal… » (Cour suprême, Chambre judiciaire, 6 mars 2008, CNDJ)
Les juges respectent rigoureusement cette première condition. Ainsi la demande en réparation formée, alors que le divorce est prononcé aux torts partagés des époux, est de ce fait rejetée. Tout comme celle d’un époux, dont le divorce est prononcé par consentement mutuel.
2- Le préjudice matériel ou moral
L’époux, qui bénéficie du divorce, pour l’une de causes ci-dessus énumérées et qui estime avoir subi un préjudice, peut obtenir des dommages intérêts. Mais, il ne suffit pas d’alléguer d’un préjudice moral ou matériel pour obtenir une réparation. Il faut nécessairement démontrer l’existence du préjudice, à défaut la demande sera rejetée :
« …s’il n’est pas contesté que le divorce a été prononcé aux torts exclusifs de monsieur, il n’en demeure pas moins que la preuve du préjudice allégué n’a pas été rapportée ; L’absence de préjudice faisant obstacle à la réparation, il y a lieu de déclarer Madame mal fondée du chef de cette demande et de l’en débouter » (TPI de Korhogo, Chambre civile présidentielle A, 7 décembre 2023, n°887, CNDJ).
Plusieurs décisions ont alloué des sommes à des époux, pour le préjudice qu’ils ont subi du fait de la dissolution du mariage :
- Le préjudice matériel :
- 10 000 000 de FCFA : « (…) madame a subi un préjudice moral et matériel en ce qu’elle se retrouve sans aucune ressource, meurtrie du fait de la rupture imputable au seul époux…condamne monsieur à payer la somme de 10 millions de Fcfa » (Cour d’appel d’Abidjan, 4ème Chambre civile, 26 février 2019, n°224, CNDJ)
- 1 000 000 millions de FCFA : « (…) en raison des sacrifices consentis pendant de nombreuses années aux côtés de son époux sans revenus (…) » (Cour d’appel d’Abidjan, 6ème Chambre civile, 11 juin 2019, n°684, CNDJ)
- Le préjudice moral :
- 10 millions de FCFA : « (…) préjudice moral souffert, en ce qu’elle a été traumatisée par les violences subies de sa part depuis des années, mais encore pour le préjudice financier né du fait que livrée à elle-même suite à leur rupture, elle est obligée de loger chez des amis ou dans un centre d’accueil sans aucune ressource financière, son conjoint s’étant toujours opposé à ce qu’elle travaille (elle a démissionné de son emploi dans une pharmacie à cause de la jalousie maladive de son époux) » (Cour d’appel d’Abidjan, 4ème Chambre civile, 08 janvier 2019, N°21, CNDJ)
- 3 000 000 de FCFA : « (…) L’épouse indique en outre que ce divorce affecte terriblement son moral et l’expose à des risques de dépression mentale et physique ; Qu’il s’ensuit que les fautes de l’époux, outre le fait d’avoir entraîné la rupture du lien conjugal le divorce causent un préjudice certain à son épouse ; (…), il convient de condamner l’époux à lui payer la somme de trois (3) millions à titre de dommages-intérêts » (TPI de Korhogo, 4ème Chambre civile, 27 avril 2023, n°19, CNDJ)
- À la fois le préjudice moral et le préjudice matériel :
- 5 000 000 de FCFA : « Monsieur, Z M a eu à porter des coups et fait des blessures à son épouse (…) Celui-ci a eu à user de violences verbales envers celle-ci (…) ; En conséquence, il convient de condamner monsieur Z M à payer des dommages et intérêts à son épouse, pour toutes causes de préjudices confondus…» (TPI d’Abidjan-Plateau, Chambre civile présidentielle, 28 juillet 2016, n°518, CNDJ)
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