Dans un monde où le numérique redéfinit les frontières économiques, la Côte d’Ivoire ne reste pas en marge. Avec l’essor fulgurant du commerce en ligne, Abidjan a décidé de prendre le taureau par les cornes. L’annexe fiscale 2022 marque un tournant décisif : les plateformes numériques, ces géants souvent insaisissables, seront désormais soumises à une TVA de 18% sur leurs commissions. Une initiative audacieuse qui vise selon la Direction Générale des Impôts de Côte d’Ivoire, à restaurer une équité entre les commerçants traditionnels et les titans du web, tout en renforçant les caisses de l’État.
Les nouvelles dispositions fiscales portant extension de la Taxe sur la Valeurs Ajoutée (TVA), en vigueur, ont été révélées dans le Bulletin officiel
de la Direction générale des impôts (hors-série 37 Bodgi-2022-hs 17)
Plateformes numériques : Qui sont-elles vraiment ?
Le terme « plateforme numérique » englobe tout site web ou application qui utilise une solution logicielle pour connecter vendeurs et acheteurs de biens ou services. Ces plateformes, souvent rémunérées par commission, peuvent également appartenir directement aux vendeurs. Il est à noter que même les plateformes offrant des services gratuits mais générant des revenus via des services payants, comme certains réseaux sociaux, sont concernées.
Des mesures strictes pour une conformité accrue
Les nouvelles dispositions fiscales mettent l’accent sur la localisation du bénéficiaire du service pour déterminer la TVA. Les plateformes étrangères sans présence physique en Côte d’Ivoire mais opérant dans le pays devront se conformer à une procédure d’enregistrement fiscal simplifiée. En cas de non-conformité, des sanctions sévères sont prévues, allant de la suspension de l’accès à la plateforme depuis le territoire ivoirien à des pénalités fiscales.
Le paysage du e-commerce en Côte d’Ivoire : Une évolution fulgurante
Depuis une décennie, le e-commerce en Côte d’Ivoire a connu une croissance exponentielle. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2010, le marché était estimé à quelques millions de dollars, et aujourd’hui, il dépasse le milliard. Sans oublier que ce secteur contribue déjà à plus de 9 % du PIB. Les Ivoiriens, de plus en plus connectés, ont adopté le shopping en ligne, attirés par la commodité, la diversité des produits et souvent, des prix plus compétitifs.
Mais cette croissance n’est pas sans défis. La logistique reste un casse-tête, avec des infrastructures routières parfois déficientes. Le paiement en ligne, malgré les avancées, demeure un frein pour une partie de la population méfiante. Et la concurrence est féroce, avec l’entrée de géants internationaux sur le marché ivoirien.
La nouvelle réglementation : Une épée à double tranchant
L’annonce de l’extension de la TVA aux plateformes numériques est, sans surprise, un sujet brûlant. D’un côté, il est louable que le gouvernement cherche à établir une équité fiscale. Les entreprises traditionnelles paient leurs taxes, pourquoi les géants du numérique y échapperaient-ils ?
Cependant, après plus de 10 ans dans ce secteur, je crains que cette mesure, si elle n’est pas mise en œuvre avec discernement, ne freine l’innovation et la croissance du e-commerce en Côte d’Ivoire. Les startups locales, qui n’ont pas les mêmes ressources que les mastodontes internationaux, pourraient être les premières victimes de cette réglementation. Une TVA trop lourde pourrait augmenter les coûts pour ces jeunes entreprises, réduisant ainsi leur compétitivité.
Notre analyse : Une régulation nécessaire, mais…
L’initiative du gouvernement de vouloir réguler et taxer le secteur du e-commerce est à saluer. C’est une étape nécessaire pour assurer une concurrence équitable et garantir des revenus fiscaux. Cependant, nous plaidons pour une mise en œuvre progressive et réfléchie. Il est essentiel d’accompagner les acteurs locaux, surtout les plus petits, pour qu’ils ne soient pas écrasés par cette nouvelle charge fiscale.
Les prévisions pour le marché ivoirien – estimé à plus de 30 milliards de francs CFA – sont assez optimistes. Mais en réalité, le e-commerce souffre toujours du faible taux de bancarisation, des frais élevés de transfert d’argent et de certaines restricitions.
La Côte d’Ivoire a le potentiel de devenir un leader du e-commerce en Afrique de l’Ouest. Mais pour cela, il faut une régulation qui encourage l’innovation et la croissance, plutôt que de la freiner.