La commune de Yopougon à Abidjan a été témoin, le jeudi 4 juillet dernier, du lancement des travaux d’un programme de logements en location-vente et en location simple. Cette initiative, placée sous l’égide du ministre de la Construction et de l’Urbanisme, Bruno Nabagné Koné, incarne l’engagement du gouvernement ivoirien à répondre à un déficit de logements devenu critique.
La Côte d’Ivoire fait face à un déficit structurel de logements estimé à environ 800 000 unités, un chiffre alarmant qui ne cesse d’augmenter chaque année. Selon les projections de la Banque mondiale, ce déficit pourrait croître de 80 000 à 100 000 unités annuellement si aucune action décisive n’est entreprise. Ce manque crée une pression énorme sur les ménages ivoiriens, en particulier ceux à faibles revenus, pour qui l’accès à un logement décent reste un rêve lointain.
Pour contrer cette crise, le programme présidentiel de construction de logements sociaux et économiques a été initié sous la direction du Président Alassane Ouattara en 2012, peu après la crise postélectorale. L’objectif est ambitieux : construire 150 000 unités de logements d’ici 2025. Toutefois, la mise en œuvre de ce programme a rencontré plusieurs défis. Les promoteurs immobiliers ont souvent manqué des ressources nécessaires pour mener à bien les projets.
La transversalité du programme a nécessité une synergie entre plusieurs départements et acteurs des secteurs publics et privés, une coordination qui a fait défaut. Le faible niveau de bancarisation a limité l’accès des ménages aux financements nécessaires, excluant ainsi une large part de la population du marché immobilier. Les ménages du secteur informel et ceux à revenus irréguliers, représentant 80% de la cible du programme, n’étaient pas pris en compte dans la première phase du programme.
Malgré ces difficultés, environ 30 000 logements ont été réalisés à ce jour dans le cadre du programme présidentiel. Bien que ce chiffre soit en deçà des objectifs initiaux, il représente un effort substantiel pour répondre aux besoins des populations. Pour redynamiser ce programme, le gouvernement a procédé à une série de réformes en 2022 et 2023 pour restructurer l’écosystème du secteur de l’habitat. La création de l’Agence nationale de l’habitat (ANHA) a été un pas crucial, chargée de la mise en œuvre et de la coordination de la politique nationale de l’habitat. La mise en place du Fonds de garantie du logement social a permis d’intégrer les ménages du secteur informel et ceux à faibles revenus ou revenus irréguliers.
De plus, la recapitalisation de la BHCI a fait de la Banque de l’Habitat de Côte d’Ivoire l’instrument privilégié pour le financement du secteur de l’habitat social. L’introduction de taxes parafiscales sur certains matériaux de construction, affectées à la purge des droits coutumiers et à la réalisation des VRD (Voiries et Réseaux Divers) primaires, a également été une mesure clé pour disposer de ressources pérennes.
En outre, la création de la Commission nationale d’attribution des logements sociaux (CONALOG) pour redéfinir les critères d’attribution et assurer une distribution transparente et rigoureuse des logements a marqué une avancée significative. Le programme d’urgence de construction de 25 000 logements sociaux et économiques a marqué une rupture avec les approches passées. Axé sur la réalisation d’immeubles collectifs, ce programme se concentre sur les centres urbains pour optimiser l’espace et réduire les coûts de raccordement aux infrastructures existantes. Les sites mobilisés comprennent 25 hectares à Abidjan (10 hectares à la Cité policière de la BAE à Yopougon, 5 hectares à la SICOGI zone industrielle, 10 hectares à Akoupé Zeudji PK 24) et 24 hectares dans les villes de Yamoussoukro, Bouaké, Korhogo et San Pedro.
Un prêt de 75 millions de dollars de la Banque arabe de développement économique en Afrique (BADEA) avec des conditions de remboursement très favorables (25 ans avec 5 ans de différé à un taux d’intérêt de 2,5 %) a été obtenu pour financer ce projet. D’autres financements de la BOAD et du Fonds d’Abou Dhabi sont également en cours de finalisation. Ce programme représente une évolution significative dans le rôle de l’État, passant de facilitateur à acteur direct dans la production de logements. Après 30 ans d’absence, la Côte d’Ivoire renoue avec des dispositifs de location-vente et location simple qui ont historiquement réussi à loger des milliers de citoyens à des coûts abordables.
Le ministre Koné a souligné l’importance de ce projet pour les populations les plus vulnérables et a remercié les nombreux acteurs impliqués. « Ce programme devient plus que jamais un programme qui adresse plus efficacement les besoins de nos populations », a-t-il affirmé, soulignant l’engagement continu du gouvernement à améliorer les conditions de vie des Ivoiriens.
Le lancement de ce programme à Yopougon marque le début d’une nouvelle ère pour l’habitat en Côte d’Ivoire. Avec des réformes structurantes et des financements solides, le gouvernement ivoirien se positionne pour combler le déficit de logements tout en stimulant l’économie et en renforçant la cohésion sociale. Le chemin vers un habitat décent et abordable pour tous est tracé, et les premiers pas viennent d’être franchis avec détermination et espoir.