Un passé effacé et le rôle controversé de Domingo Faustino Sarmiento
Dans les rues animées de l’Argentine d’aujourd’hui, il est difficile d’imaginer que ce pays fut autrefois un melting-pot vibrant de diversité, avec les Noirs représentant plus d’un tiers de la population au début du XIXe siècle. Cependant, une histoire sombre et volontairement oubliée émerge, révélant une transformation calculée qui a transformé l’Argentine en la nation la plus blanche d’Amérique du Sud.
Au cœur de cette métamorphose se trouve un déni persistant de l’héritage afro-argentin. Des dirigeants politiques jusqu’à la société elle-même, l’idée fausse selon laquelle l’Argentine n’a pas participé à la traite des esclaves et n’a jamais compté de Noirs persiste, malgré des preuves historiques évidentes. L’ancien président Carlos Menem va jusqu’à nier l’existence des Noirs en Argentine, contribuant à une amnésie culturelle qui masque délibérément le passé afro-argentin.
Les racines de cette amnésie remontent aux premières colonisations espagnoles au XVIe siècle, lorsque l’Argentine accueillait une population africaine dynamique. Cependant, la guerre contre le Paraguay, l’épidémie de fièvre jaune en 1871 et surtout les actions de Domingo Faustino Sarmiento ont conduit à un déclin rapide de la population noire.
Sarmiento, président de l’Argentine de 1868 à 1874, est le protagoniste controversé de cette histoire. Fervent défenseur de la suprématie de la race blanche, il a orchestré des politiques discriminatoires, séparant les Afro-Argentins du reste de la société et les condamnant à des conditions de vie précaires. Recrutement forcé dans l’armée, accusations fabriquées, exécutions massives : Sarmiento a laissé un héritage sinistre.
Le point culminant de ces politiques, combiné aux épidémies et aux conflits, a presque anéanti la population noire en 1875. Le recensement national de l’époque a omis délibérément les descendants africains, contribuant à l’effacement physique et métaphorique de leur histoire.
Aujourd’hui, cette amnésie persistante a laissé une empreinte indélébile sur l’identité argentine. Même le tango, l’une des exportations culturelles les plus célèbres du pays, a été dépouillé de ses racines africaines. Reconnaître et confronter cette histoire oubliée est essentiel pour comprendre l’Argentine contemporaine et pour permettre la reconstruction d’une identité nationale inclusive.