À quatre mois de la présidentielle en Côte d’Ivoire, alors que le paysage politique reste suspendu aux annonces officielles des grandes figures nationales, un autre combat se joue loin des projecteurs électoraux : celui contre la désinformation numérique. C’est dans cette dynamique que Polaris Asso CI, en partenariat avec la plateforme française Captain Fact, a organisé un atelier intensif de fact-checking citoyen ce mardi 24 juin 2025 à Abidjan. L’objectif : renforcer les capacités de dix organisations de la société civile (OSC) en matière de vérification de l’information, pour mieux outiller les populations face à la montée des infox en période électorale.

Une menace déjà connue : les violences de 2020 en mémoire

Pour Sidibé Salifou, directeur pays de Polaris Asso CI, il ne s’agit pas d’une simple précaution académique. « Nous avons identifié que certaines localités, marquées par les violences électorales de 2020, étaient aussi des foyers de désinformation. » explique-t-il. D’où l’urgence de former les acteurs locaux à décrypter les manipulations de l’information : « On veut leur donner des outils qu’ils pourront dupliquer sur le terrain pour anticiper les tensions et responsabiliser les jeunes. »

Les dix OSC réunies à Abidjan ce jour-là sont issues de plusieurs régions sensibles du pays. Certaines travaillent déjà sur des projets de sensibilisation à la citoyenneté numérique, d’autres interviennent auprès des jeunes dans des zones à risque. Ce sont elles qui, demain, seront en première ligne de la lutte contre la viralité des contenus fallacieux à l’approche du scrutin.

Des outils innovants, une pédagogie ludique

La formation s’inscrit dans le cadre des Journées de l’Éducation aux Médias et à l’Information (EMI), et repose sur deux dispositifs pédagogiques originaux développés par Captain Fact :

La fresque de la désinformation, un atelier immersif et collaboratif qui permet aux participants de comprendre les mécanismes de fabrication, de diffusion et d’impact des infox sur les opinions.

Argumentum, un jeu de rôle conçu pour identifier et manipuler (à des fins pédagogiques) les procédés rhétoriques trompeurs, notamment les arguments fallacieux très présents dans les débats politiques en ligne.

« Ce sont des outils que nous avons adaptés au contexte ivoirien. Ils sont interactifs, accessibles, et surtout ancrés dans la réalité numérique des jeunes », explique Basile Asti, intervenant de Captain Fact. « Nous voulons développer chez eux l’intelligence critique pour qu’ils puissent eux-mêmes hiérarchiser l’information, distinguer le vrai du faux, et éviter de se faire manipuler. »

En parallèle, les participants prennent en main la plateforme collaborative de Captain Fact, qui permet de vérifier collectivement des vidéos ou déclarations diffusées en ligne. Ce mode de fact-checking citoyen, ouvert, démocratique, se veut complémentaire du travail journalistique professionnel : « Les journalistes font un travail essentiel, mais ils sont trop peu nombreux pour tout couvrir. C’est pourquoi les citoyens doivent être outillés eux aussi », ajoute-t-il.

Des OSC en première ligne, prêtes à relayer sur le terrain

Les retours des participants témoignent de l’intérêt concret de cette formation. Kana Linda, secrétaire de l’ONG Communication et Citoyenneté, ne cache pas son enthousiasme : « Même si on travaille déjà sur ces thématiques, il faut toujours se mettre à jour. Les techniques évoluent, les outils changent, et les fausses informations deviennent de plus en plus sophistiquées. »

Consciente de la portée sociale de son travail, elle insiste : « Nous intervenons dans les écoles, les quartiers, auprès des populations. Une fausse information peut avoir un impact énorme, surtout en période électorale. Elle peut créer de la panique, des divisions, voire du chaos. Il faut qu’on soit capable de la repérer, de l’expliquer et de former les autres. »

Un ancrage institutionnel pour Polaris Asso CI

L’événement du 24 juin ne s’est pas limité pas à la formation. Il marque également le lancement officiel du Bureau Pays de Polaris Asso en Côte d’Ivoire. Cette implantation stratégique vise à donner une structure formelle et durable à l’action de l’organisation sur le territoire national, dans un environnement où la gouvernance numérique est encore en construction.

La mission principale de Polaris Asso CI sera d’« aller chercher des génies créatifs et les embarquer dans une aventure nationale pour trouver des solutions d’échelle, des solutions exponentielles et des solutions à fort impact », a expliqué Ousseynou Gueye, fondateur de l’ONG, venu de Dakar spécialement pour l’occasion.

Polaris Asso CI entend renforcer ses partenariats avec les institutions publiques, les médias, les établissements scolaires et les ONG, pour bâtir une véritable culture de l’esprit critique et de la vigilance citoyenne face aux manipulations médiatiques.

Enjeux démocratiques majeurs à l’horizon 2025

Alors que la CEI s’apprête à annoncer le calendrier électoral officiel et que les principaux partis affûtent leurs stratégies, les réseaux sociaux s’annoncent comme le principal théâtre d’influence, voire de confrontation. Dans ce contexte, Polaris Asso CI et Captain Fact entendent positionner les OSC comme des remparts actifs contre la manipulation numérique.

« Il y a un avant, un pendant, et un après les élections », rappelle Kana Linda. « C’est maintenant qu’il faut former, outiller, prévenir. Une démocratie solide repose sur une population bien informée. »

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