Panorama de jurisprudence sur la profession de notaire en Côte d’Ivoire

Le notaire est un officier public et ministériel chargé de recevoir des actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent donner le caractère d’authenticité, attachés aux actes de l’autorité publique. Il est tenu par une obligation de moyens (TPI d’Abidjan-Plateau, 1ère Chambre civile, 06 juillet 2017, n°212 CIV/17), c’est-à-dire qu’il s’engage à faire de son possible pour remplir sa mission, sans pour autant garantir le résultat. De ce fait, sa faute ne pourrait résulter de la seule carence dans l’accomplissement de sa mission.

La jurisprudence ivoirienne regorge de décisions portant sur la profession de notaire, les problèmes posés au juge sont sensiblement proches. Il est possible de réaliser une synthèse en quelques points : la répétition des sommes et la preuve des paiements effectués par le notaire, les moyens de contrainte à la disposition du client, la responsabilité professionnelle des notaires.

A- La répétition des sommes et la preuve des paiements effectués par le notaire

Le client peut solliciter la restitution des sommes versées au notaire dans le cadre d’une transaction qui n’aboutit pas ou pour des formalités qui n’ont pas été accomplies (TPI d’Abidjan-Plateau, 14 avril 2016, civile, n°166 ; TPI d’Abidjan-Plateau, 1ère Chambre civile, 06 juillet 2017, n°212 CIV/17). Est alors rejetée la demande de répétition des sommes, alors que la promesse n’a pas fait l’objet d’annulation et qu’elle demeure dans l’ordonnancement juridique (TPI d’Abidjan-Plateau, 1ère Chambre civile, 02 mars 2017, n°59 CIV/17).

On retrouve quatre fondements qui peuvent indépendamment servir de socle à la demande de restitution des sommes versées : la théorie de l’enrichissement sans cause, le payement, le dépôt, la responsabilité contractuelle.

Sur le fondement de l’équité et en application de la théorie de l’enrichissement sans cause, il est admis : « dans le cadre d’un déséquilibre intervenu entre deux patrimoines, que le solvens obtienne la répétition des sommes d’argent par lui acquittées à l’accipiens, lorsque les paiements ainsi entrepris, sont dépourvues de toute cause » (TPI d’Abidjan-Plateau, 02 mars 2017, n°59 CIV/17 ; TPI d’Abidjan-Plateau, 1ère Chambre civile, 06 juillet 2017, n°212 CIV/17). Ce qui a été payé sans être dû doit être répété, c’est l’application de l’article 1235 du Code civil, tout payement suppose une dette (TPI, 1ère Chambre civile, 06 juillet 2017, n°206 CIV/17). Le notaire peut être amené à détenir les fonds pour le compte d’autrui dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, en tant que dépositaire des dits fonds et sur le fondement des dispositions de l’article 1932 du Code civil, il est tenu de restituer identiquement la chose qu’il a reçue (TPI, 1ère Chambre civile, 20 juillet 2017, n°276). La responsabilité contractuelle constitue également un fondement, les juges considèrent qu’un contrat lie le notaire à son client. Le client peut alors obtenir la résolution du contrat pour inexécution des obligations du notaire, le remboursement des sommes versées ainsi que des dommages et intérêts  : « suivant les dispositions de l’article 1184 du Code civil précité, la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, peut solliciter la résolution avec dommages et intérêts…l’inertie de la notaire a occasionné un retard et un manque à gagner, le silence méprisant lui a imposé une grande frustration…Il convient de condamner Maître AK à payer la somme de 2 000 000 Francs CFA à titre de dommages-intérêts» (TPI d’Abidjan-Plateau, 1ère formation civile Chambre présidentielle A, 07 mars 2019, RG : 9563/2015).

Sur la question de la preuve, le notaire doit fournir la preuve des paiements qu’il effectue dans le cadre d’une gestion d’une succession. La preuve du paiement d’une dette fiscale doit résulter d’une quittance délivrée par le fisc et non d’une simple allégation (Cour d’appel d’Abidjan, 6ème Chambre civile et administrative, 23 juillet 2019, n°954). De même, la requête aux fins de taxation des frais et honoraires d’un notaire doit être justifiée. Le notaire ne peut se contenter d’affirmer qu’un solde reliquataire est dû par ses clients sans justifier l’existence (Cour d’appel d’Abidjan, 28 juillet 2017, n°476).

B- Les moyens de contrainte à la disposition d’un client

Lorsqu’un notaire refuse de fournir un document sollicité par son client ou résiste à verser les sommes dues, le client peut solliciter une astreinte ou une mesure de saisie conservatoire.

L’astreinte est une condamnation pécuniaire prononcée par le juge et destinée à vaincre la résistance d’un débiteur récalcitrant ou à sanctionner la défiance du débiteur de l’obligation prescrite (TPI d’Abidjan, civile, 27 avril 2023, n°402). Elle a pour objectif d’assurer l’exécution de la décision (TPI d’Abidjan-Plateau, 1ère Chambre présidentielle A, 26 juillet 2018, n°523 CIV1, RG : 9333/2017 ; Cour d’appel d’Abidjan-Plateau, Chambre présidentielle, 21 juin 2019, n°396 CIV/19). Le notaire qui indique avoir égaré un titre foncier est condamné à restituer ledit titre à son client sous astreinte comminatoire de 500 000 FCFA par jour de retard, à compter du prononcé de la décision (TPI d’Abidjan-Plateau, 30 octobre 2015, n°3391). Le 13 janvier 2016, le duplicata du certificat de propriété a été remis par le notaire. L’astreinte a été liquidée à 1 000 000 FCFA eu égard des circonstances de la cause, puisqu’en fonction de l’attitude du débiteur de l’obligation, le juge saisi d’une demande en liquidation d’astreinte dans son office peut-être discrétionnairement amené à augmenter, réduire voire supprimer l’astreinte prescrite (TPI, 1ère Chambre civile, civile, 20 avril 2017, n°99 CIV/17).

Le client peut également obtenir du président du Tribunal, l’autorisation de procéder à une saisie conservatoire sur les comptes du notaire dans les différents établissements bancaires, lorsqu’il ne lui verse pas les sommes dues (Cour d’appel d’Abidjan, 1ère Chambre civile, 24 mars 2017, n°114 CIV/17)

C- La responsabilité professionnelle du notaire

La responsabilité professionnelle du notaire peut être engagée lorsqu’il agit d’une manière non conforme aux règles de sa profession. Il peut être condamné à réparer le préjudice qu’il a causé à un client. C’est à ce titre qu’il a l’obligation de s’assurer auprès d’une compagnie d’assurance. La loi institue également une Caisse de Garantie collective des Notaires en abrégé CGCN, affectée à la garantie des condamnations prononcées contre les notaires à l’occasion des fautes commises dans l’exercice de leurs fonctions.

Le client qui engage la responsabilité d’un notaire doit prouver une faute, un préjudice et le lien de causalité.

Les fautes retenues par les juges consistent pour l’essentiel en un manquement d’une obligation préexistante. L’obligation de vérification : le notaire doit mettre tout en œuvre pour faire les vérifications nécessaires, afin de recueillir toutes les informations utiles à la sécurité des transactions qu’il « supervise ». Commet une faute, le notaire qui ne prend pas soin de vérifier une information qui lui aurait permis de savoir que le vendeur n’était pas celui présenté, et qui ignore les interpellations faites (Cour d’appel d’Abidjan, Chambre présidentielle, 29 mars 2019, n°256 CIV/19). Une autre illustration : manque à son obligation professionnelle, le notaire qui omet de procéder aux vérifications nécessaires et préalables à toutes transaction, ayant trait à la détermination de l’origine de propriété. Une telle détermination de l’origine de propriété est un élément essentiel de l’acte de vente (TPI d’Abidjan-Plateau, 14 avril 2016, civile, n°166). L’obligation de conseil et de prudence : un notaire est garant de la sécurité et de la faisabilité d’une transaction. Le notaire qui conclut une transaction alors qu’il savait qu’un site était litigieux ou susceptible de l’être, failli à son obligation de conseil et de prudence (Cour d’appel d’Abidjan, 3ème Chambre civile et administrative, 26 juillet 2019, n°971).

La faute peut résulter de la qualité même de notaire et des attentes qu’on peut légitimement avoir de la profession : « le notaire vise dans la promesse de vente, en lieu et place d’un acte de propriété, une lettre d’attribution qui présente un caractère précaire et réversible n’étant pas susceptible de conférer une quelconque propriété. Cette attitude fautive a eu un impact négatif sur la finalisation de l’opération en cause, d’autant que les acquéreurs que n’ont pu bénéficier de la sécurité juridique à laquelle ils étaient légitimement en droit d’attendre par la saisine à leur initiative d’un officier ministériel » (TPI d’Abidjan-Plateau, 1ère Chambre civile, 02 mars 2017, n°59 CIV/17). Commet une faute, le notaire qui n’accomplit pas d’obligations conditionnant la réalisation définitive de la cession immobilière et remet indument au vendeur, les documents afférents à la vente ayant permis à ce dernier de céder le bien à un tiers (Cour d’appel d’Abidjan, 6ème Chambre civile et administrative, 28 mai 2019, n°616)

Le notaire qui ne reverse pas la totalité du prix d’un appartement à un acheteur alors qu’il a perçu l’intégralité de la somme de la part de son client, manque à ses obligations et commet une faute professionnelle (Cour d’appel d’Abidjan-Plateau, 1ère Chambre civile, 10 mars 2017, n°81 CIV/17)

La responsabilité du notaire pour les agissements fautifs de ses préposés : le notaire doit être condamné pour les agissements fautifs de ses préposés, à charge pour lui d’intenter un recours contre ces derniers (Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau, 16 mars 2017, n°72 CIV/17). C’est le cas notamment lorsqu’une clerc de notaire détourne une somme destinée au règlement des frais fiscaux d’une succession.

Plusieurs préjudices ont déjà été retenus : la perte de sommes d’argent, l’impact négatif sur la finalisation de l’opération…

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