Lors d’une conférence de presse tenue le 19 août dernier à la Maison de la Presse, la plateforme des producteurs de Café-Cacao, composée de l’Association nationale des producteurs de café-cacao de Côte d’Ivoire (ANAPROCI) et du Syndicat national agricole pour le progrès en Côte d’Ivoire (SYNAPCI), a levé le voile sur une série de pratiques troublantes. Animée par les présidents des deux associations, Kanga Koffi et Koné Moussa, cette rencontre a été l’occasion de dénoncer ce qu’ils décrivent comme un « système organisé de spoliation » des producteurs de café-cacao en Côte d’Ivoire.
Une interprofession venue du ciel (ou de nulle part)
Tout a commencé avec la mise en place de l’interprofession. Pour ceux qui l’ignorent, l’interprofession est cette grande idée révolutionnaire qui, sur le papier, devait redonner le pouvoir aux producteurs en les impliquant dans la prise de décisions. Oui, mais voilà : il ne fallait surtout pas prendre cette promesse trop au sérieux. Car, à peine la fumée des urnes dissipée, l’interlocuteur mystérieux derrière cette noble idée a décidé que « décider pour vous, sans vous » était, somme toute, une méthode beaucoup plus efficace.
Des prix aussi fixes que le vent
Le problème du prix est, lui, devenu un cas d’école. Un prix fixe, c’est bien, mais un prix fixe qui ne bouge jamais dans le bon sens pour les producteurs, c’est mieux ! Après tout, pourquoi augmenter un prix qui ne profite qu’à ceux qui sont à l’origine de la richesse du pays ? Le Conseil Café-Cacao, dans sa grande sagesse, a décidé que ce n’était pas encore le moment d’accorder aux producteurs la moindre rétribution digne de leurs efforts. Mieux encore, ils ont réussi l’exploit de faire croire à ces derniers que remercier le patron après une baisse de salaire était la nouvelle norme. N’est-ce pas paradoxal ? Oui, mais c’est aussi, paraît-il, la voie du progrès.
Les coopératives, victimes collatérales de la modernisation
Parlons maintenant des coopératives, ces structures qui étaient autrefois l’épine dorsale du secteur. Aujourd’hui, elles sont en voie de disparition, tel un dinosaure sous les coups de boutoir d’une comète géante appelée « gestionnaire moderne ». Les producteurs, encore une fois, se disent étonnés que leur outil de travail soit démantelé sous leurs yeux, alors même qu’ils sont invités à applaudir ce spectacle. Le message est clair : « regardez, nous vous libérons du fardeau de la gestion, réjouissez-vous ! »
La réclamation suprême : « Rendez-nous ce qui est à nous »
Alors que la nouvelle campagne se prépare, les producteurs, dans un ultime souffle de dignité, osent demander que l’État leur rende ce qui leur appartient : « Prenez vos taxes, vos impôts, mais laissez-nous le reste ! ». Une demande qui, dans un monde parfait, serait perçue comme légitime, mais qui, ici, prend des allures de rébellion contre l’ordre établi. Car il semble que l’objectif non avoué de cette stratégie est de rappeler aux producteurs qu’ils sont là pour produire, mais surtout pour remercier, quoi qu’il arrive.
Un appel désespéré au sommet de l’État
Face à cette situation absurde, l’appel des producteurs au Président de la République résonne comme une bouteille à la mer. Ils espèrent encore que ce dernier, pris d’une soudaine prise de conscience, saisisse le dossier et réunisse tous les acteurs pour, enfin, prendre en compte leurs revendications. Mais ne soyons pas dupes : la grande machine à broyer les espoirs est en marche, et rien ne semble pouvoir l’arrêter.
Conclusion : Le Roi est nu, mais il applaudit quand même
En conclusion, ce qui pourrait être perçu comme de la mauvaise foi de la part des dirigeants n’est, au final, que le reflet d’une réalité simple : en Côte d’Ivoire, les producteurs de café-cacao ne sont que des rois sans couronne, condamnés à sacrifier leurs efforts sur l’autel de la prospérité… des autres. Mais, comme on dit, l’important n’est-il pas de participer ? Ou plutôt, dans ce cas, de continuer à applaudir, même lorsqu’on vous enlève la scène sous les pieds.