L’opposant sénégalais Bassirou Diomaye Faye l’a largement emporté dès le premier tour de la présidentielle avec 54,28% des voix, loin devant le candidat du pouvoir Amadou Ba (35,79%), indiquent les résultats finaux provisoires proclamés mercredi.
Cette proclamation accélérée semble dégager la voie à une investiture prochaine de M. Faye, en tout cas avant la fin du mandat du sortant Macky Sall le 2 avril.
La victoire de l’opposant antisystème, encore en prison une dizaine de jours avant le scrutin de dimanche, doit à présent être validée par le Conseil constitutionnel. Les candidats ont théoriquement 72 heures après la proclamation pour saisir le Conseil.
Mais le Conseil a lui aussi pressé le mouvement en leur donnant jusqu’à jeudi minuit (vendredi 00H00 GMT) « au plus tard ».
Le Conseil invoque dans un communiqué « les circonstances exceptionnelles » ayant entraîné « la compression de tous les délais ». Il fait référence au report de la présidentielle, initialement prévue le 25 février et finalement fixée au 24 mars.
L’ajournement décrété à la dernière minute par le président Sall a causé une grave crise et semé le doute sur la possibilité d’une prestation de serment de son successeur avant l’expiration officielle de son mandat.
Ce transfert dans les délais, hautement significatif dans un pays qui s’enorgueillit de ses pratiques démocratiques, paraît désormais réaliste, sous réserve que les résultats ne donnent pas lieu à contestation devant le Conseil constitutionnel.
En l’absence de contestation, « le Conseil proclame immédiatement les résultats définitifs du scrutin », dit la Constitution.
Mais en cas d’objection, le Conseil a, théoriquement, cinq jours pour statuer.
Le président américain Joe Biden a félicité mercredi M. Faye et « le peuple sénégalais, qui a démontré que le droit de vote – et le fait que ce vote soit pris en compte – reste le seuil de la liberté en démocratie ».
La victoire de M. Faye était déjà entendue après la publication officieuse de résultats partiels. Les chiffres annoncés au tribunal de Dakar par le président de la Commission nationale de recensement des votes, Amady Diouf, en confirme l’ampleur.
Si elle est validée, ce sera la première fois depuis l’indépendance du Sénégal en 1960 qu’un opposant l’emportera dès le premier tour.
Le troisième des 19 candidats, Aliou Mamadou Dia, n’a recueilli que 2,8% des suffrages, confirmant l’extrême bipolarisation du vote.
La participation a été de 61,30%. C’est moins qu’en 2019, quand le président sortant Macky Sall avait obtenu un second mandat, également au premier tour, mais plus qu’en 2012.
Discours rassurant
M. Faye, 44 ans, jamais porté à une fonction élective nationale auparavant, devrait devenir le cinquième et plus jeune président du pays ouest-africain de 18 millions d’habitants. Ses adversaires ont reconnu sa victoire.
Son élection a été précédée par trois années de tensions et de troubles. Le Sénégal, réputé comme l’un des pays les plus stables d’Afrique de l’Ouest, a connu une nouvelle crise en février quand le président Sall a décrété l’ajournement de l’élection. Des dizaines de personnes ont été tuées et des centaines arrêtées depuis 2021, et les lettres de créance démocratiques du Sénégal ont été examinées sous un autre jour.
M. Faye a lui-même été détenu pendant des mois avant sa libération en pleine campagne électorale mi-mars.
Après des semaines de confusion, les Sénégalais se sont rendus aux urnes dimanche. Les observateurs internationaux ont salué le bon déroulement des opérations.
La mission d’observation de l’Union africaine a salué dans un communiqué « la maturité démocratique du peuple sénégalais (et) le climat global pacifique de l’élection présidentielle ».
M. Faye se présente comme l’homme de la « rupture », du rétablissement d’une « souveraineté » nationale bradée selon lui à l’étranger, et d’un « panafricanisme de gauche ». Son élection pourrait annoncer une profonde remise en cause systémique.
Il s’engage « à gouverner avec humilité, dans la transparence, à combattre la corruption » à tous les niveaux, a-t-il déclaré lundi lors de sa première apparition publique depuis l’élection.
Il a énoncé « la réconciliation nationale », la « refondation » des institutions et « l’allègement sensible du coût de la vie » comme ses « chantiers prioritaires ».
Mais il s’est aussi employé à rassurer les partenaires étrangers qui ont suivi attentivement l’élection. Le Sénégal « restera le pays ami et l’allié sûr et fiable de tout partenaire qui s’engagera avec nous dans une coopération vertueuse, respectueuse et mutuellement productive », a-t-il dit.
Via AFP