L’UE cible Apple, Google et Meta soupçonnés d’infractions aux règles européennes de la concurrence

La Commission européenne a lancé ce lundi 25 mars cinq procédures contre Apple, Alphabet (Google) et Meta (Facebook, Instagram) soupçonnés d’infractions aux règles européennes de la concurrence, une première dans le cadre du nouveau règlement sur les marchés numériques (DMA).

Bruxelles dialogue depuis des mois avec les trois géants américains de l’Internet pour les aider à préparer leur mise en conformité aux règlesentrées en application début mars. Après des années à courir en vain derrière leurs abus de position dominante avec une législation insuffisamment dissuasive, l’exécutif européen espère enfin s’être doté avec le DMA d’une arme suffisamment puissante pour les faire plier.

Selon Thierry Breton, commissaire au Marché intérieur, aucune de ces entreprises ne peut jouer l’étonnement, car elles étaient largement préparées au règlement européen sur les marchés numériques. « Ils savent depuis novembre 2022 quelle va être notre loi. Ils la connaissent. Nous avons passé énormément de temps à interagir avec eux, pour les préparer. On est même allés sur place les voir et discuter avec eux. La loi est la loi. Elle n’a pris personne par surprise. Cette loi est faite pour corriger ce qui nous semble aller dans le sens de l’intérêt général. Nous pensons que cela ne peut pas attendre, à partir du moment où la loi a été votée, y compris dans des contextes que nous connaissons comme ceux de guerre, d’élections ou de désinformation », a expliqué Thierry Breton, commissaire européen au Numérique.

Thierry Breton

« Nous pouvons déjà observer des changements sur le marché. Mais nous ne sommes pas convaincus que les solutions proposées par Alphabet, Apple et Meta respectent leurs obligations », a également déclaré lundi Thierry Breton. Le lobby de la tech, Ccia, a aussitôt dénoncé la « précipitation » de Bruxelles. Le lancement de ces enquêtes, 18 jours seulement après la date limite du 7 mars pour la mise en conformité, « risque de confirmer les craintes de l’industrie que le processus soit politisé ». 

L’Union européenne veut ouvrir enfin les marchés numériques, protéger l’émergence et la croissance de start-up en Europe et améliorer le choix offert aux utilisateurs. Les procédures annoncées reprennent des griefs bien connus. L’exécutif européen escompte clore cette première enquête dans les douze mois à venir.

La triple enquête ouverte ce lundi porte notamment sur les nouveaux tarifs d’Apple pour les fournisseurs d’applications alternatifs à son AppStore maison, ensuite sur les nouveaux abonnements proposés par Meta pour Facebook, et enfin sur la façon dont GoogleSearch pourrait continuer à préférer les résultats liés aux services Google. Il y a par ailleurs une pré-enquête au sujet de la préférence qu’Amazon accorderait à ses propres produits lors d’une recherche, rapporte notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet. 

Google a déjà été condamné en 2017 à une amende de 2,4 milliards d’euros pour ce motif. Mais les remèdes proposés n’ont jamais été jugés satisfaisants. Alphabet et Apple sont par ailleurs visés pour des restrictions dans leurs magasins d’applications Google Play et App Store. Selon la Commission, les deux groupes « limitent la capacité des développeurs à communiquer et promouvoir librement leurs offres et à conclure directement des contrats » avec les utilisateurs finaux, « notamment en imposant divers frais ».

Pas de véritable alternative

Sur ce dossier, Apple s’est déjà vu infliger début mars une amende de 1,8 milliard d’euros par la Commission, au terme d’une enquête ouverte en juin 2020 après une plainte de la plateforme de streaming musical Spotify. Bruxelles a ouvert une autre procédure visant Apple, soupçonné de ne pas avoir respecté l’obligation d’offrir aux utilisateurs un moyen de désinstaller facilement les applications par défaut sur le système d’exploitation iOS qui équipe ses célèbres iPhone.

La Commission craint en particulier que « la conception de l’écran de choix du navigateur web n’empêche les utilisateurs d’exercer véritablement leur choix » d’une alternative à Safari. Meta, géant des réseaux sociaux, est lui visé pour manquement à la règle qui le contraint à demander le consentement des utilisateurs afin de pouvoir combiner des données personnelles, issues de ses différents services, à des fins de profilage publicitaire.

Pour se conformer, Meta a proposé aux utilisateurs de Facebook et Instagram un abonnement payant qui permet d’éviter d’être ciblé par la publicité. Mais s’ils souhaitent conserver un service gratuit, ils doivent consentir à livrer leurs données personnelles. Bruxelles estime que ce choix « n’offre pas de véritable alternative ».

La Commission européenne va par ailleurs rassembler des informations sur le système de référencement d’Amazon, craignant qu’il ne favorise ses propres marques de produits sur son site d’e-commerce. Elle va également se pencher sur le nouveau système de tarification d’Apple qui pourrait enfreindre son obligation de permettre des téléchargements d’applications sur des boutiques alternatives à son App Store.

S’estimant en conformité, les groupes Apple, Alphabet, Meta et Amazon ont néanmoins affirmé lundi qu’ils poursuivraient leur dialogue avec Bruxelles, dans des communiqués séparés. Le nouveau règlement prévoit des amendes pouvant aller jusqu’à 20% du chiffre d’affaires mondial en cas d’infraction grave et répétée (contre 10% jusqu’ici). Bruxelles s’est également doté d’un pouvoir de démantèlement des contrevenants, une arme de dissuasion et de dernier recours.

Via AFP

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